À situation inédite, moyens innovants ! Depuis le début de la crise sanitaire Covid-19, à l’instar de plusieurs des membres du réseau Alpha, Scarabée a dû prendre des mesures pour maintenir ses activités d’apprentissage du français. Focus sur ces actions qui se poursuivront quelque temps encore à distance avant que nous ne soyons en mesure de reprendre nos cours dans nos locaux.
Dès les premiers jours du confinement, l’équipe de Scarabée a exprimé sa volonté de poursuivre ses cours de français, cette fois à distance, afin de garder le lien avec ses apprenants, s’assurant que chacun mangeait à sa faim et se trouvait à l’abri.
C’est ainsi que, faisant appel à nos intervenants volontaires, nous avons rapidement mis en place des cours de Français d’urgence (pour les débutants) individuels et en groupe. L’équipe du Français langue étrangère s’est, elle, organisée autour de binômes : un formateur volontaire et un ou plusieurs étudiants. Chaque référent de niveau a assuré des cours collectifs ou individuels, de conversation ou de révision de grammaire.
Suite à un appel à bénévoles lancé sur notre page Facebook, puis à un article publié dans Le Parisien, « Malakoff : des migrants continuent à pratiquer le français grâce à des bénévoles », nous avons constitué d’autres binômes, mettant en relation apprenants et bénévoles qui nous ont contactés via les réseaux sociaux. Des contacts réguliers se sont établis, trois fois par semaine au minimum, parfois quotidiens.
UN MANQUE D’OUTILS
Pour cet enseignement à distance, nous utilisons essentiellement WhatsApp, qui permet à la fois le contact vidéo (pour la présence et la communication non-verbale), l’audio et l’écrit, sur smartphone et parfois sur PC. Quelques binômes fonctionnent aussi avec Skype. Pour les cours de français avec les débutants, nous utilisons également Messenger, voire une simple ligne téléphonique.
La question des outils est un enjeu. La plupart de nos élèves disposent d’un smartphone, mais pas tous. Nous photographions les leçons qui sont, bien évidemment, beaucoup plus courtes et focalisées sur une chanson, un discours, une intervention. Nous travaillons beaucoup autour du coronavirus pour alerter, tout en dédramatisant la situation. Nous avons tous en tête que pour ces étudiants, c’est une double peine, un double traumatisme, l’exil et la pandémie. Certains sont très angoissés. Les plus chanceux ont réussi à emprunter des ordinateurs ou des lecteurs de CD sur lesquels sont enregistrés les leçons et les dialogues.
Nos apprenants sont généralement beaucoup plus habiles que nous avec les outils numériques. Nous observons une grande concentration et implication du fait du contact individuel. Ce qui les arrête, ce n’est pas la technique (ils savent utiliser Facebook, Twitter, Messenger, WhatsApp !), mais le manque de moyens pour y accéder. Par exemple, un de nos étudiants n’avait plus Internet pendant une semaine et ne pouvait donc plus suivre nos leçons. Le manque d’outils techniques est probablement le point le plus noir : il faudrait qu’ils aient a minima un lecteur de CD, a maxima un ordinateur !
ADAPTATION ET DISPONIBILITÉ
Nous avons adapté nos horaires en fonction de la capacité de nos élèves à s’isoler du bruit ambiant, certains étant amenés à travailler dehors. De nombreux apprenants, un peu avancés, recherchent ces cours, mais d’autres se sentent incapables d’apprendre quoi que ce soit dans des conditions parfois difficiles : logement à plusieurs dans une petite chambre, trop de stress, problèmes de réseaux… Si, au début, nous avons dû insister pour obtenir un travail régulier, dans un deuxième temps plusieurs se sont pris au jeu et dits redevables que nous ne les oublions pas. Petit souci concernant les horaires : fixés mais pas toujours respectés !
Gérer la prise de parole en vidéo ou le temps de réponse à l’écrit n’est pas chose aisée. Finis les bavardages avec les autres élèves, mais aussi moins de place à l’improvisation, moins de dynamisme et pas toujours facile de rebondir. Pour les conversations, chacun se réinvente : on laisse parler l’élève et on corrige après, à l’écrit, ou on le corrige pendant, ce qui est plus difficile à distance. La constance est une difficulté et la concentration n’est pas toujours au rendez-vous dans ce contexte anxiogène.
FAIS-MOI UN SIGNE
L’un des aspects les plus positifs de nos cours à distance réside dans la relation personnelle que nous entretenons avec nos apprenants pour qui nos rendez-vous sont précieux, donnant un objectif à leurs journées. Nos élèves trouvent une certaine continuité et sont ravis de rester en contact avec « leurs formateurs ». L’inverse est tout aussi vrai !
Les aspects positifs sont certainement plus psychologiques que pédagogiques. En leur faisant cours, en conversant avec eux, nous leur faisons un signe. Nous les sortons de leurs angoisses, ils pensent à autre chose. En les appelant deux à trois fois par semaine, nous créons un échange chaleureux et sympathique que nous n’avons pas habituellement le temps de développer en classe.
Le fait qu’il s’agisse, avant tout, de conversations implique davantage les apprenants. Téléphoner de longues heures et échanger librement avec les étudiants, tout en corrigeant leur français, est probablement aussi efficace qu’un cours formel.
ET APRÈS ?
Certains binômes subsisteront, les personnes s’attachent les unes aux autres. Cours distanciels et présentiels se complètent. L’un de nos objectifs immédiats est de recruter de nouveaux formateurs pour les cours de conversation. Maintenir ce lien plus personnel : à savoir, on prend en charge un ou deux étudiants pendant un an, pour mieux les connaître, mais aussi pour qu’ils nous connaissent.
Extrait libre des Actus du Réseau Alpha Témoignages de formatrices sur la continuité des activités d’apprentissage à distance, mai 2020 (témoignage de Scarabée).